Un noésiste fait prévaloir son propre plaisir, même quand celui-ci a pour conséquence la souffrance d’autrui — et s’estime pourtant foncièrement bienveillant, car en lui nulle intention de faire souffrir qui que ce soit, bien au contraire — ;

est animé par une satanée envie de jouir avant de disparaître à tout jamais — incessamment et de toute chose il cherche à se délecter — ;

sa vie est æsthétique et donc, mécaniquement, amorale ;

observe progresser son incoercible putréfaction ;

sa mort ne l’effraye pas, mais le met en colère telle une patente injustice ;

itérativement s’approche de la mort pour au dernier instant — si possible — lui échapper, espérant ainsi s’en immuniser ;

a emprise sur sa haine sans cible — sentiment résultant d’un attachement à la vie qu’il sent le quitter —, dont il tire sa force ;

fait l’apologie de la force (tant psychique que physique), car pourvoyeuse de libertés ;

fait l’apologie de la richesse (tant culturelle que matérielle), car pourvoyeuse de libertés ;

se caractérise par une totale absence de modestie, par le désir de surclasser les maîtres ;

en toutes choses est infidèle, car il se réserve le droit de faire évoluer ses appréciations — sa perception de la structure dont il est parcelle étant en constante augmentation — ;

accorde une importance suprême à l’étude de la structure corrélationnant tout ce qui existe ;

son intérêt se porte principalement sur le sexe — thème englobant celui pareillement essentiel de la mort —, tout autre sujet n’en étant qu’une futile déclinaison, un égarement ;

est matérialiste, c’est-à-dire attentif à la sensualité des choses, en véritable gourmet de la matière ;

se prend au sérieux, parce que l’imminente fin de ses plaisirs lui apparaît dans toute sa gravité ;

au moyen d’une réflexion, a conquis sa grande santé ;

considère la mort comme une maladie — inutile à la vie — ;

considère que l’obscénité de notre condition de mortels surpasse et abroge celle de n'importe quel acte sexuel — rien ne peut être obscène si ce n’est la mort ;

se croit capable de désobéir à ses déterminismes ;

croit à l’existence, en son sein, d’un individu qui par le biais d’un effort soutenu, peut choisir indépendamment de l’acquis et de l’inné, suivant sa réelle volonté ;

croit à l’existence d’une seule et unique réalité (et donc d’une seule et unique vérité), que pour une raison physiologique personne n’est en mesure d’appréhender dans sa plénitude ;

se couche quand il se sent fatigué, se lève quand il se sent reposé ;

refuse de s’adonner au small talk, excepté avec ceux appartenant visiblement à une catégorie inférieure ;

ne vit pas au jour le jour ;

réduit au minimum ses sujétions et leur portée ;

sait considérablement abaisser son seuil de confort ;

chérit le luxe d’autant plus qu’il sait pouvoir s’en passer ;

accueille la douleur pourvu qu’un plaisir la vaille ;

pour être à même d’apprécier l’autre, il le rend rare en s’en tenant usuellement à l’écart ;

fait le nécessaire pour attirer à lui les plus intéressantes personnalités — s’y confronter est sa finalité — ;

demande : « Qu’est-ce qui vaut la peine de sortir du lit ? » ;

ne doute pas de sa valeur intrinsèque, bien qu’accablé par un niveau d’exigence immodéré, il ne puisse s’empêcher de se trouver malgré tout éminemment médiocre ;

n’a besoin de donner un sens à son existence — s’accommode du vide — ;

est le peintre, la toile, les couleurs et le pinceau ;

se rend digne d’être regardé ;

cherche à devenir ce qu’il admire ;

s’efforce de hisser son cul à la hauteur de ses pets ;

sait combien il est misérable ;

ses cicatrices sont ses médailles ;

a fait le constat de son impuissance, de sa vulnérabilité ;

ne cherche pas à se distraire ;

a accepté la réalité et ce, même s’il ne l’approuve — dégoûté une fois pour toutes, plus rien ne le révolte — ;

se fait souffrir afin de jouir d’une plus grande compréhension ;

voit les heures de sa vie comme un pactole à dépenser de la meilleure des manières ;

sait avoir le dessus sur ses peurs, douleurs, scrupules, dégoûts, et également sur son empathie ;

méprise la folie, estime la rationalité — vue par d’autres comme une folie — ;

méprise les infantilismes, estime les preuves de maturité — vues par d’autres comme des attitudes infantiles — ;

plutôt que de s’abandonner à son imperfection, œuvre sans espoir de succès à son perfectionnement ;

selon des critères qui lui sont endogènes, cherche à gagner son propre respect, c’est-à-dire à se voir beau ;

préfère la diversité au prix de la guerre, à la paix au prix de l’uniformité ;

est autonome au sens étymologique du terme ;

croit en les corps tellement davantage qu’en les propos, croit en les expériences tellement davantage qu’en les conjectures ;

a fait de la beauté son sacerdoce — en cela, il est religieux — ;

pousse un idéal jusqu’à ses plus ultimes conséquences — en cela, il est romantique — ;

comprend qu’il n'est pas dans son intérêt — ni dans celui du genre humain — que le noésisme se généralise ;

chacune de ses sécrétions (image, texte, son, cabriole, soupir, prurit soulagé, etc.) participe à une composition globale dont il a conscience ;

considère que l’art n’a pas à être utile et vertueux, contribuant ainsi à changer les mœurs d’une société dans le sens d’une idéologie prétendument bénéfique — est partisan d’un art autotélique — ;

considère qu’un artiste ne peut fondamentalement être autre chose qu'un sorcier — que ne l’étant pas, il n’est qu’un artisan — ;

considère qu’un artiste doit être disposé à mourir pour l’édification de son œuvre — que ne l’étant pas, il n’est qu’un guichetier — ;

ses objectifs sont si haut placés qu’il ne pourra qu’échouer — il le sait, mais ne s’en détourne.